Folco demeura songeur .Le mandier s'était moqué de lui .Crin-Blanc l'avait désarçonné .Pourtant c'était un cavalier qui savait manier les chevaux.Alors , le manadier pouvait bien rire en regardant un petit pêcheur qui voulait capturer l'étalon le plus sauvage de sa manade .Oui , il pouvait bien rire et se moquer....
Mais le manadier , devant tous ses gardians , avait donné Crin-Blanc à Folco .Et l'enfant se disait :"Si je l'attrape , Crin-Blanc sera bien à moiu , maintenant..."
Voilà qui était capable d'emplir de joie le coeur d'un gamin de douze ans .
Folco attacha son barquet .Il savait lire les traces.Les sabots du prince blanc avaient marqué profondément la boue .Folco les suivit entre les joncs de la rive , puis , quand elles commencèrent à s ' effacer , dans la terre ferme.
Ici , le cheval s'était arrêté.Il avait piétiné le sol .Ah!..il était revenu vers la plaine d'eau fleurie de corolles blanches.
Soudain , Folco aperçut son ami .Crin-Blanc étaitlas.Il laissait pendre sa tête et la pointe de sa crinière touchait l'eau.Folco s'approcha sans bruit.Il l'approcha doucement .
"Crin-Blanc !..."
Le cheval remua les oreilles .
Cette fois encore , Crin-Blanc allait se laisser charmer un moment par la voix de son ami , puis il s'en irait vers sa manade .
"Tu es à moi , Crin-Blanc ....",se dit tout bas Folco , comme une promesse.
Le garçon tenait à la main , bien enroulée , la corde que le manadier avait abandonnée par terre , quand il était tombé de sa selle.D'une voix plus forte , pour que le cheval relève la tête , il appela encore une fois:
"Crin-Blanc!..."
Et aussitôt , il lança son noeud coulant.
Le cheval surpris se cabra , bondit.Il partit au grand galop ,traînant derrière lui le garçon qui s'était abattu dans la vase , mais sans lâcher la corde.
Pour rien au monde ,Folco n'aurait abandonné sa prise .Le cheval renâclait ,soufflait ,la gorge serrée par la corde.Pour se débarrasser de ce poids mort qui rebondissait derrière lui , il précipitait son galop.
La tête sous l'eau , aveuglé par la boue ,Folco se cramponnait de toutes ses force à la corde enroulée autour de son poignet .Les liens de chanvre lui sciaient la peau .Mais il ne sentait pas la douleur.
Traîné sur le ventre , déchiré aux genoux et aux coudes , la bouche et le nez pleins de vase ,Folco se laissa ainsi emporter tout en travers de la plaine d'eau.Enfin , le cheval s'arrêta .Il tremblait un peu .Il allongeait le cou vers le garçon qui restait étendu , les cheveux encroûtés de boue .Dans cette figure toute noire , il n'y avait de nets et de brillants que les yeux .
Quelques moments passèrent .Immobile , encore inquiet , le cheval considérait ce petit sauvage qui le regardait comme on regarde un ami .
Folco se relevaet lentement s'approcha jusqu'à toucher l'épaule de Crin-Blanc .Il tendit le bras sur le cou de l'étalon , et enfonça sa main dans la crinière soyeuse .
Un instant , la longue joue blanche du cheval frôla la joue noire du garçon .
Crin-Blanc , pour la première fois , se laissa caresser .
"Viens , Crin-Blanc ....viens "...
Folco n'avait même pas besoin de tenir la longe .Crin-Blanc le suivait .Ils marchaient épaule contre épaule , sur le petit sentier , suivant la bordure du marais et qui conduisait au mas.
Folco emmenait Crin-Blanc vers sa maison .
"Grand-père!...Grand-père...
-Qu'est-ce qu'il y a , petitou?"
Le vieux pêcheur tressait une nasse d'osier , assis sur le seuil de la porte.
"Grand-père , c'est Folco ...Folco et son cheval! "
Le petit frère n'en croyait pas ses yeux .Il était ébloui.
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