lundi 21 novembre 2011

Crin -Blanc - chapitre 7

                             Les tournois de printemps

Quelques jours plus tard , Antonio passa au mas.
   Folco était à la pêche .
Eusebio assis devant sa table , sa petite alouette sur l'épaule , tenait à la main un autre oiseau tout ébouriffé.
   "Il est blessé , dit Eusebio .La pauvre petite bête .Regarde .C'est son aile .Elle est descendue du ciel , avec mon alouette , ce soir , quand je suis rentré du champ .Elles se sont rencontrées là-haut , toutes les deux .Et alors , la mienne , ma petite , a dû dire à l'autre :"Viens avec moi .Il y a un vieux qui a la main légère .Il t' arrangera ton aile ."Et voilà qui est fait .Je suis curieux de voir si elle me restera fidèle , comme  l 'autre , ou si elle s'en ira quand son aile sera guérie .Et toi , Antonio , quoi de neuf ?
    -Rien .J'ai fait mon tour jusqu'aux manades .Et je rentre .Il y a longtemps que je n 'ai pas vu Folco .
    -Dis donc , Antonio , qu'est-ce que c'est , cette histoire , tu sais ?....Crin-Blanc ...le manadier qui fait des générosités et donne un cheval à un galopin qui prend tout pour argent comptant....Tu devrais parler à Folco , Antonio .Le gars n'en mange plus , n'en dort plus ....Depuis que son cheval s'est sauvé .Son cheval !...Tu te rends compte !...
   -Oui , il faudra que je parle au garçon , dit le vieux gardian .Parce que le manadier....
   -Eh bien , qu'est-ce que tu allais dire ?
   -Rien , bougonna Antonio .Le manadier , c'est le manadier , voilà tout .Nous ne pouvons plus nous entendre .Je suis de la vieille école , tu comprends .
  -Toi , Antonio , tu penserais à quitter la manade?
  -Oui .Pas de gaieté de coeur , va .Mais moi j'aime les chevaux .Lui , le manadier , ce n'est pas autre chose qu'un maquignon.Et je le lui ai dit .
  - Et oúte retireras-tu , Antonio ?
  -J'ai écrit un mot à Giusepe .Il me fera une place chez lui .Il a ,je te l'ai dit , son petit mas dans la campagne d'Arles .Je l'aiderai à bêcher sa vigne .Et tous deux on pourra parler du bon vieux temps .Allez , au revoir , Eusebio .
  -A bientôt , Antonio .
S'aidant d'un des pieux de la barrière , que Crin-Blanc avait enfoncée pour reprendre sa liberté , le vieux gardian se remit péniblement en selle .Il s'éloigna au petit trot en direction du couchant.Il ne rencontra pas Folco .Le garçon rentra très tard ce soir-là .Son barquet une fois de plus l'avait entraîné jusqu'au fond du marais .Mais , ce soir , Folco avait scruté en vain du regard les pâturages gris .
La plaine était vide .Folco ne distingua même pas dans le lointain qui s'empourprait , ce poudroiement doré du sable enveloppant la longue tache blanche de la manade au galop .
Le vent était mort .Pas un frémissement n'agitait les roseaux ni les touffes grêles des buissons .L'orage menaçait.
C'était la saison fiévreuse , la saison des luttes sauvages , des combats sans merci oú s'affrontent les étalons de la manade .
  Antonio avait souvent parlé à Folco de ces tournois oú se défient en champ clos les chevaux les plus fiers de la troupe .

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