dimanche 18 décembre 2011

Crin-Blanc - chapitre 7 - suite et fin

Toute la nuit , l'averse écrasa le toit de chaume de la cabane .L'orage tournait au-dessus du marais .
  Quelques heures avant le jour , la pluie cessa .Et quand le soleil reparut ,les petits buissons qui baignaient dans la plaine d'eau , devant le mas , luisaient d'un joli vert lavé .
  Folco était déjà debout depuis longtemps .Il avait mis un peu d'ordre dans la maison qui sentait bon le pain grillé devant les braises .
  Le petiot , qui s'éveillait , baillait et s'étirait sous ses couvertures .Le chat demandait son lait .L'alouette du grand-père , dont la compagne une fois guérie s'était envolée ,picorait des miettes sur le vieux coffre .
  Folco rêva de Crin-Blanc , et c'est encore à son ami qu'il pensait dès son réveil .Cet ami l'aurait vite oublié , au milieu de ses frères sauvages , au beau royaume des chevaux .
  Soudain , le garçon dressa l'oreille .Il lui sembla entendre , dehors , des pas dans l'herbe .Les pas s'approchaient .Et Folco perçut distinctement la voix amie .Il aurait reconnu entre mille ce hennissement doux , un peu plaintif , qui faisait trembler les lèvres de Crin-Blanc quand il acceptait une caresse .
  Le coeur du garçon sautait dans sa poitrine .Une grande joie l'assaillait tout d'un coup .
  C'était Crin-Blanc qui revenait !
  Folco courut à la porte , l'ouvrit...
Dans l'embrasure qui s'emplit de soleil , s'encadra la magnifique silhouette blanche .Lentement Crin-Blanc releva la tête .Il était las .Une lueur changeante troublait son regard au fond des grands yeux sombres .
  "C'est toi ..." murmura Folco .
Il prit dans ses bras la tête de son ami .Il la serra contre sa poitrine .Il était si ému que des larmes de joie lui montaient aux yeux .
  Son petit frère s'approcha à son tour .Il se tenait à côté de Folco , le regard tourné vers son aîné.
  "Il est revenu ....et tout seul ! répétait Folco , les deux bras au cou de son cheval .Il a traversé tout le marais .Il a retrouvé le chemin de notre cabane .
  Qu'est-ce qui se passe ? demanda le grand-père de sa voix enrouée .
  C'est Crin-Blanc ..., cria le petit .Crin-Blanc qui est revenu .Il est là .Viens le voir , grand-père !...."
  Toute la maison était sens dessus dessous.Devant le feu , les rôties de pain brûlaient .Le chat se servait tout seul , lapant à même le pot à lait .
  Devant la porte , Folco et son petit frère  n'en finissaient pas de s'émerveiller .Ce n'est qu'au bout d'un moment , en voyant Crin-Blanc allonger le cou pour lécher sa jambe , que Folco s'aperçut que le cheval était blessé.Le sang suintait encore d'une longue estafilade ouverte jusqu'au paturon .
  "Vite , il faut le soigner .Tu t'es battu , Crin-Blanc ...Tu t'es battu avec les autres chevaux , et tu as été blessé .C'est pour cela que tu es revenu.Viens..."
  Crin-Blanc se laissa docilement conduire dans le petit enclos derrière la cabane .Cette fois , Folco ne prit même pas la peine de fermer la barrière .
  Vite , il fallait panser la plaie .
  Le garçon courut chercher un seau et le rapporta rempli d'eau .Puis , déchirant un pan de sa vieille chemise , il commença d'éponger la blessure .
  "Donne ta jambe !..."
Crin-Blanc se laissait faire .Il plia le genou.Folco lui tenait à deux mains le sabot .
  "Là...mets ta jambe dans le seau .Ce sera plus commode .Et ne bouge pas ...."
  Accroupis au pied du cheval , les deux enfants nettoyèrent délicatement la plaie .Elle était profonde , toute souillée de graviers et de terre que Crin-Blanc avait fait voler à coups de sabot , pendant le combat.
  "Là .Voilà qui est bien "dit Folco .
Il baigna encore longuement la jambe toute brûlante de fièvre .Puis , avec un torchon bien blanc que le petit frère était allé chercher dans le coffre , il enroula un pansement qu'il ligatura avec une ficelle .
  Crin-Blanc fit entendre un hennissement joyeux .
  "Tu vois , il est content ...,dit Folco au petit .Et cette fois , il ne s'en ira plus .Je vais lui donner une bonne brassée de foin ".
  Ce jour-là , Folco n'alla pas à la pêche .C'est le vieux grand-père qui ,en geignant et en maudissant sa mauvaise jambe ,voulut aller tendre ses filets .Il était heureux , le bonhomme , de la joie qui faisait briller les yeux des deux enfants .Sa petite alouette l'accompagna perchée sur son épaule .
  Est-ce qu'on choisit ses amis ?Sans doute ...Celui de Folco était un grand cheval du marais de Camargue .
   "Bonne journée , les petits....Tu as tendu aux endroits que j'ai dit ,Folco ? ...
  Oui , juste avant la grande mare .
  A ce soir..."
Le barquet s'éloigna .
Folco ne devait jamais oublier cette merveilleuse journée et la semaine qui suivit .
  Pour le tout petiot , c'était encore le conte magnifique qui se poursuivait .
  Folco était heureux .Le manadier lui avait fait cadeau du plus beau cheval de sa manade .Mais , surtout , Crin-Blanc s'était donné lui-même .Et il restait au mas par amitié .
  Il accourait à la voix de Folco .Il venait manger dans sa main .Il l'aurait suivi jusque dans la maison .Il passait la tête , retenu par les épaules , dans l'étroite ouverture de la porte .
  Maintenant Folco rêvait de monter son cheval , de se lancer avec lui dans de grandes randonnées .Mais il n'avait encore jamais osé l'enfourcher .
  La blessure de la jambe une fois cicatrisée , Folco avait enlevé le bandage et attaché au jarret du cheval un bouquet de feuilles pour chasser les mouches .
  Il y avait bientôt une semaine que Folco et Crin-Blanc vivaient les beaux jours de l'amitié , quand , un matin , Antonio passa au mas .Crin-Blanc , dans son enclos , répondit par un joyeux hennissement au salut sonore de Franqui .
  "Tu as vu , Antonio ?...cria Folco en courant au-devant de son ami .
 Le vieux gardian rendit les rênes à sa monture .Par-dessus la barrière , les deux chevaux se frottaient le nez .
  "Antonio ...tu as vu Crin-Blanc ...
  Non , justement , dit Antonio d'un air bougon .Non , je n'ai rien vu ...."
  Il n'ajouta pas que ce n'était pas son affaire de voir ni de rapporter au manadier ce qu'il avait vu .D'abord un cheval de Camargue , un de ceux qui redoutent l'homme , obéir à un garçon comme s'ils avaient toujours vécu ensemble ...Ensuite , un petit sauvage , comme disait le manadier , que le bonheur avait comblé .

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